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politiful people
20 décembre 2005

Lettres de mon chateau : 20 - A l'attention de Bill Clinton

Monsieur le Président des Etats-Unis d'Amérique, cher Bill,

Si vous saviez le plaisir réel que j'éprouve à correspondre ou à m'entretenir avec vous par téléphone, je ne sais pas pourquoi mais, j'ai immédiatement senti que le courant passait entre nous, que nous étions faits pour nous entendre, bref que nous serions en permanence sur la même longueur d'onde. Les aviateurs diraient certainement que nous nous recevons cinq sur cinq.
Savez-vous que je me suis amusé à compter le nombre de nos appels téléphoniques et de nos correspondances depuis trois mois. J'ai la joie de vous dire qu'il est fortement à mon avantage. Je vous ai écrit vingt et une fois et téléphoné dix-huit. A l'inverse, vous ne m'avez téléphoné qu'une fois et adressé une autre fois un carton d'invitation. Je voudrais vous engager, mon cher Bill, à ne pas vous gêner avec moi. Je vois bien qu'au moment de prendre votre combiné téléphonique vous devez vous dire  : « Non, ce n'est pas raisonnable, je ne vais pas déranger mon ami Jacques. » Ce scrupule vous honore, mais vous devez me considérer comme un ami et ne pas hésiter à me téléphoner aussi souvent que je le fais moi-même. D'ailleurs, pour que les choses soient plus simples, je vous communique le numéro de mon
portable de façon à ce que vous puissiez m'appeler à tout moment. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi votre secrétaire a pris l'initiative, strictement personnelle j'en suis cer­tain, de ne pas me donner le vôtre. II me serait pourtant indispensable car j'ai très souvent une idée qui me traverse l'esprit sur tel ou tel sujet et j'aimerais vous la faire connaître. Tenez, l'autre jour, j'ai vu mon ami Decaux qui a mis en place un système extraordinaire de lutte contre la pollution canine. J'aurais eu votre portable, je me serais immédiaternent précipité pour vous en recommander l'utilisation pour les pourtours de la Maison-Blanche. J'avais en effet été étonné de constater, lors de mon dernier voyage aux Etats-Unis, que l'état de saleté des trottoirs n'allait pas en s'améliorant, bien au contraire. Je considère que c'est indigne de la capitale d'un grand pays comme les Etats-Unis.Il eût été vraiment utile que je puisse vous faire cette proposition sans délai, tant me semblait urgent le message que je souhaitais vous faire. Je vous remercie de donner les consignes à les plus fermes à votre collaboratrice.
Il est d'ailleurs évident qu'entre grands de ce monde nous devons pouvoir nous parler sans délai. Après tout, cela concerne un nombre si limité de personnes, peut-être inférieur aux doigts d'une main. Que dis-je! Sans doute moins. Le Japonais, il est inutile d'avoir son téléphone, il change tout le temps. Le Chinois, ce n'est pas mieux : il ne change jamais, mais on n'y comprendrait rien! Personne ne sait qui dirige vraiment. Le Russe, Eltsine, aurait pu être un grand de ce monde, mais il faudrait l'appeler à l'heure où il est à jeun. Cela devient de plus en plus difficile, surtout avec les décalages horaires. Et puis il y a les Européens mais, à part Helmut, il n'y a personne. Vous le voyez, mon cher Bill, nous sommes à peine trois. Et encore, quand je dis trois, c'est bien par amitié pour Helmut qui, comme vous le savez, est prisonnier de la Constitution allemande qui lui fait interdiction d'envoyer ses soldats hors des frontières de son pays. Il ne reste donc que nous. Bill et Jacques. Jacques et Bill.
Alors tutoyons-nous. Je vais te faire une confidence: par souci de montrer au peuple américain ma parfaite connaissance de sa langue et de sa culture, j'avais envisagé de me faire appeler « Jack ». Mais hélas, ça ne m'est aucunement possible du fait de la présence d'un personnage très étrange de la vie politique française, un dénommé « Jack Lang ». Je crains que l'on ne m'accuse de vouloir l'imiter, ce qui serait un comble alors qu'il n'a pas ton numéro de téléphone et que tu ignores même jusqu'à son existence. Mais cessons de parler de ces ques­tions de personnes pour nous intéresser aux grands sujets de notre monde. S'agissant de la Bosnie, je te remercie de ton silence. Je l'ai interprété comme la marque de ton souci constant de coller à mes propositions afin de marquer un soutien qui n'est jamais démenti.
Tu m'as semblé récemment quelque peu fatigué. C'est normal avec le poids de ta charge, et tout le monde ne peut pas avoir ma santé. Sais-tu que je n'ai pas eu le moindre rhume depuis sept ans ? Tu te rends compte un peu ? Bernadette n'en revient pas. Je ne suis pas resté cloué au lit par la maladie depuis 1974. Mais je m'égare car c'est de toi. que je voulais parler. Oui, tu m'as semblé quelque peu fatigué. Tu devrais donc t'abstenir de trop voyager pour rester quelque peu aux Etats-Unis. Je suis certain que tes compatriotes apprécieraient sûrement ta présence. Pour les affaires du monde et pour le temps de ton repos, je pourrais m'occuper de tout. Et crois-moi, je veillerais à ce que l'on ne te dérange pas. Je déciderais chaque fois qu'il le faudra. Je te rendrais compte, bien après, afin de t'économiser au maximum le stress. J'ai en effet remarqué que tu avais du mal à le supporter. Moi, c'est curieux, je n'arrive pas à me faire du souci. J'ai toujours été comme ça : je fonce, je réfléchis après et ne m'inquiète jamais. Remarque, c'est un don du ciel, je n'y ai aucun mérite. Ce doit être une question de nature. Je vois bien que tu m'envies. Tu ne devrais pas car tu as sans doute bien d'autres qualités.
Tiens, par exemple, on ne peut plus accepter de se faire marcher sur les pieds par les Serbes. Il y a des limites à tout. Et là, ça fait bien longtemps qu'elles ont été franchies. Personne ne veut rien faire. A l'ONU, tout le monde se cache. Ce Boutros Boutros-Ghali est un mou. On ne peut absolument rien en tirer. Quant aux militaires, crois bien que je leur ai dit ma façon de penser. On peut compter sur eux, surtout lorsqu'on n'a besoin de rien. Ils adorent parler de la guerre. Pour la faire,; c'est une autre histoire. Pour la simulation, ce sont les champions du monde. Ils sont absolu­ment Imbattables. Sur le terrain, il n'y a plus personne. Si ça continue, je vais être obligé d'y aller moi-même. D'ailleurs, je finis par me demander si ça n'est pas la meilleure idée. Qu'en penses-tu ? Ça arrangerait tout le monde, en tout cas, ceux qui n'osent prendre la moindre responsabilité. Je pourrais, avec ton aide, me faire nommer chef suprême des armées qui sont sur place, là-bas. Pour toi, ce serait une garantie de tranquilité et de sérieux. Je prendrais soin des soldats américains comme s'il s'agissait des miens. Tu peux me faire confiance ! Je suis même prêt, pour témoigner de mon total engagement franco-américain, à venir aux Etats-Unis pour rendre compte de ma mission. Je pourrais saisir, par exemple, l'occasion de ton « message à la nation ». Pour une fois, je pourrais le faire à ta place, ce qui sera pour le peuple américain une garantie de transparence à laquelle je suis certain qu'il sera particulièrement sensible. De surcroît, si tu l'estimais nécessaire, je pourrais, dans le double souci de l'efficacité et de la simplicité, m'installer le temps que durera mon travail en tes lieu et place dans un bureau de la Maison-Blanche. Rassure-toi, je connais trop les phéno­mènes de rejet pour tout ce qui semble venir de l'extérieur pour prendre le risque d'emmener mes propres collaborateurs. Je suis certain que ce serait mal vu des Américains. S'agissant de moi, c'est une autre affaire. Ils savent bien que je suis si proche d'eux qu'ils m'ont adopté avant même que |e ne vienne. Sais-tu, j'ai été touché aux larmes : depuis trois mois, j'ai reçu pas moins de onze lettres de félicitations des Etats-Unis. Certes, parmi celles-ci, deux viennent de Line Renaud. Mais tout de même, ça témoigne d'un courant réel de sympathie ! Si toutefois tu préfères, que le temps de ton absence, j'occupe ton bureau, J'y suis également tout disposé ! Peut-être d'ailleurs as-tu raison. Je me demande bien pourquoi je n'y avais pas songé tout seul. Mais effectivement, le bureau ovale m'irait comme un gant. Et puis au moins, avec moi, tu es sûr qu'il ne sera pas mal occupé. Comme nous avons les mêmes goûts (j'ai pu le constater à d'innombrables reprises, ces trois derniers mois), tu n'as pas à t'inquiéter des changements que je vais y opérer car je sais qu'ils te plairont. C'est vraiment commode de pouvoir être chez toi comme chez moi.
D'ailleurs, si tu n'y vois pas d'inconvénient, je profiterai de mon passage à la Maison-Blanche pour mettre de l'ordre dans tes déficits. Tu sais que je vais finir par me faire du souci pour l'économie américaine. Votre endettement est un puissant facteur de préoccupation pour nous. C'est que vois-tu, mon cher Bill, on ne peut durablement dépenser plus que l'on gagne. Il convient de savoir être prudent et vraiment raisonnable et responsable. Moi-même, en France, j'ai eu bien du mal à redresser la situation financière calamiteuse que m'avait laissée Edouard Balladur. Suis-je bête ! II est évident que tu ignores qu'il fut, il y a bien longtemps, un très éphémère Premier ministre de la France. Ne t'en veux surtout pas de l'ignorer. En France même, l'immense majorité de mes concitoyens l'a complètement oublié. A ton retour aux affaires, je ne saurais trop te conseiller d'augmenter, comme je l'ai fait mol-même, très fortement tes impôts. Je te donne un avis de spécialiste : mieux vaut les augmenter loin des élections que trop près. Ah! j'allais oublier. Tu as peut-être vu que je suis dans l'embarras avec cette histoire anecdotlque de la reprise des essais nucléaires. Il n'empêche que cela m'ennuie un peu, tout ce charivari. Tu m'aiderais quelque peu si tu engageais les Etats-Unis sur la même voie. Sauf avis contraire de ta part, je profiterais une nouvelle fois de mon bref passage à la Maison-Blanche pour en ordonner la reprise. Suis-je scrupuleux de t'en parler ! J'aurais certainement pu le faire sans même que tu en entendes parler. Finalement, tu as sans doute raison, il m'arrive de me faire plus de souci que nécessaire.
Enfin, je voudrais te faire part d'un projet , qui me tient à cœur et pour lequel je sollicite ton avis. Je veux parler de l'Europe. Les choses ne peuvent plus durer ainsi. C'est la pagaille généralisée. C'est que chacun a un avis et, de préférence, il est tranché. De surcroît, il porte sur toutes les matières. Il n'y a plus moyen de se faire entendre. Il faut renoncer à tout espoir de coordination. Une véritable pétaudière qui, si je n'y prends garde, va finir par compromettre mon action. II convient donc que quelqu'un remette de l'ordre et sache s'imposer par son aura naturelle et sa force de conviction personnelle. L'oiseau rare n'est guère aisé à dénicher. J'y ai longuement réfléchi, je te prie de le croire, tu pourrais bien être cet homme qui ait de l'expérience, une colonne vertébrale, de l'intelligence, du sens de la décision, un contact humanisé et une grande disponibilité. J'ai testé toutes les formules possibles et imaginables. Eh bien, à la réflexion, il semble à tout le monde qu'une seule solution soit souhaitable : c'est la mienne. Crois-moi, cela ne m'amuse pas, j'ai déjà tant de choses à faire ! Sans compter ce que, délibérément, tu as décidé de me mettre sur le dos, en me demandant de m'occuper de trouver un moment pendant ton repos. J'espère donc que tu sauras me dire la vérité pour cette histoire d'Europe en me parlant sincèrement. Je ne doute pas cependant que, une fois encore, nous soyons d'un avis identique.
Dans le fond, je crois savoir ce qui nous a tellement rapprochés l'un de l'autre. Vois-tu, c'est que la simplicité n'est pas donnée à tout le monde et, mon Dieu, je crois pouvoir dire que toi aussi tu seras capable, avec les années et , surtout l'expérience, de rester simple.

Your friend Jacques

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