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politiful people
27 décembre 2005

Lettres de mon chateau : 5 - Signé Line Renaud (Encore)

Monsieur le Président de la République, Mon grand Jacques, 

Je n'en reviens pas. Je ne peux même pas y croire. Tes collaborateurs commencent à te cacher ton courrier personnel. Tu seras certainement curieux d'apprendre qu'on a fait répondre à ma lettre par l'une de tes obscures collaboratrices. Oui, c'est la vérité, à moi, ta si vieille amie, ton soutien le plus fervent, me faire répondre par une employée, une employée qui se permet de m'adresser ses sentiments respectueux et dévoués ! Qu'est-ce que j'en ai à faire de son dévouement, moi qui t'embrassais déjà quand cette inconnue était encore à l'état de projet dans la tête de ses parents. Et son respect ! Qu'est-ce qu'il me fait, le respect de cette technocrate, moi qui ai échoué au BEPC ! J'ai donc décidé de prendre les grands moyens. J'ai demandé à José, ton fidèle huissier qui m'embrasse comme du bon pain, de donner la copie de ma lettre (heureusement que je l'avais gardée, sinon, tu te rends compte un peu de la catastrophe) à Claude qui m'a promis de te la remettre en mains propres. Comme ça, je suis bien certaine que tu l'auras et que personne n'aura eu le culot d'avoir ouvert ton courrier Intime. Dorénavant, il faudra donc trouver un nouveau système. José m'a dit qu'il existait une valise diplomatique ou quelque chose comme ça. Je n'ai pas la mémoire exacte des mots compliqués. Simplement, Il faudra que tu m'indiques le nom d'une excellence (c'est comme ça paraît-il qu'on appelle les ambassadeurs dans « Point de vue-Images du monde ») qui sera chargée de transporter mon courrier.

 

Mon grand Jacques, je t'en prie, ne les laisse pas t'isoler. Sinon, tu finiras comme Giscard ou, pire, comme Balladur ! Tu te rends compte, terminer comme Balladur ! Je ne peux pas l'imaginer. S'ils faisaient ça, ils auraient affaire à moi. Tu peux le croire. D'ailleurs, si tu ne me répondais pas, je n'hésiterais pas une seconde, je viendrais moi, oui, je débarquerais à l'Elysée ! Et ils verraient de quel bois je me chauffe. Ils ne te garderont pas tout seul pour eux. Tu appartiens à la France, au peuple français. Et le peuple, c'est moi. J'attends quarante-huit heures, mon grand Jacques, et j'interviendrai. Et, crois-moi, je ferai mieux que les soldats de l'ONU en Herzégomachin. Tu sais pouvoir compter sur moi. Je sais que ça te fera du bien de le savoir. Ton amie fidèle et sensible,

Line Renaud
 

Réponse de Jacques Chirac à Line Renaud

Ma chère petite Line,

J'ai bien reçu tes deux courriers. Si tu savais comme ils m'ont fait plaisir. Tu t'imagines aisément ce qu'a été mon emploi du temps ces derniers temps, c'est ce qui explique que je n’ai pu te répondre aussi rapidement que je l’aurais souhaité. Surtout, je ne veux pas que tu marques la moindre rancune â l'endroit de mes collaborateurs. Ils t'admirent tant ! Je suis fasciné de voir à quel point tous, je dis bien tous, connaissent l'intégralité de ton œuvre. J'ai même surpris l'autre jour Maurice Ulrich écoutant « La Demoiselle d'Armentlères ». Tu me diras que c'est normal à son âge. Mais il y a mieux puisque, depuis qu'il connaît nos liens d'amitié, le secrétaire général adjoint, Jean-Pierre Denis - un jeune -, ne quitte plus son Walkman et tes cassettes. Je suis certain qu'il est sincère dans son admiration pour toi. Quant à Jacques Toubon, il ne faut pas que tu lui en veuilles. Il n'a jamais rien compris à la grande musique ; il fallait vraiment que ça soit ce pauvre Balladur pour penser en faire un ministre de la Culture ! La meilleure preuve que je me méfie de ses goûts artistiques est que je n'ai pas voulu qu'il devienne maire de Paris. Jean Tiberi, c'est quand même autre chose. Et pour les arts et lettres, auxquels, comme toi, je suis très profondément attaché, c'est une vraie garantie. J'ai été profondément touché par ta si chaleureuse idée qui consiste à venir me voir à l’Elysée. Comme je serais heureux que tu le fasses ! Si cela ne tenait qu’à moi, je t’inviterais dès aujourd’hui.

 

Mais hélas, mille fois hélas, je ne suis pas maître de mon emploi du temps. Durant les six prochains mois, je serai conduit à aller de conférences internationales en colloques onusiens. J'ai bien sûr la possibilité d'emmener avec moi quelques invités prestigieux ; je pourrais t'inviter au prochain G7 sur la réforme du système monétaire. Tu y ferais merveille. Je vois d'ici Helmut Kohl, ravi de découvrir une Française, aussi spontanée que lui. Je ne me fais aucun souci, tu t'entendrais avec Felipe Gonzalez. Fais attention avec celui-là, c'est un coureur invétéré ! Avec John Major, ce sera plus dur. Il ne faudra pas que tu t'attardes. Il est si snob. François Mitterrand m'a mis en garde: un véritable Anglais. Ignore-le, il risquerait de te faire une réflexion désagréable sur ta tenue. Penses-tu, il n'aime pas les couleurs. Mais je vois bien que je suis en train de rêver. Je serais tellement heureux que tu sois à mes côtés! Je  crains hélas que tu ne t'ennuies trop, ces réunions internationales sont assommantes à un point que tu n’imagines pas. J’ai une meilleure idée : dans quelques mois, quand je pourrai bénéficier d'un peu plus de temps, tu viendras dîner à l'Hôtel de Ville de Paris. J'ai gardé l’appartement, et je n'ai pas l’intention de le rendre. Nous ferons un dîner en famille, juste toi, Claude, José et moi. Ainsi, nous ne serons pas dérangés. Ce sera aussi familial et discret que tu l’as toujours souhaité. Nous parlerions du bon temps. Et même, si tu le veux, de ce superbe maillot de bain bleu marine dont j’ai gardé un souvenir aussi précis que celui d'un égyptologue découvrant pour la première fois la Grande Pyramide. Mais non ! je t'entends d'ici protester. Ce n'est pas la Pyramide qui me fait penser à toi. Tu es très bien comme ça ! Je voulais simplement te dire que j'avais gardé en mémoire chaque instant de notre premier voyage à Los Angeles chez Gregory.

Ton idée de Marianne est formidable. Elle tombe pile-poil. Tu te rends compte ! Enfin, avec toi, nous aurions une véritable Marianne. Depuis Brigitte Bardot, il n'y a pas eu mieux. Le pays saura se reconnaître dans ta personne, dans ton physique, dans ton langage, dans ton œuvre. Oui, vraiment, ma petite Line, si cela ne tenait qu'à moi, tu serais déjà notre Marianne depuis longtemps, et pour toujours. Mais hélas, mille fois hélas, la procédure pour désigner la future Marianne est extrêmement longue et compliquée. Il faut d'abord être retenue sur une liste d'aptitude dressée par l'Association des maires. Je suis certain qu'ils seraient aussi enthousiastes que moi. Mais le problème est qu'ils te feraient passer un examen sur les finances locales et le droit administratif. C'est bien normal de vérifier les compétences de notre future Ma­rianne ! Dis-moi où en sont tes connaissances sur l’ensemble de ces sujets et si tu peux consacrer une semaine aux divers examens nécessaires Une fois que tu auras franchi cette première étape, il en restera une autre, ô combien plus difficile, celle-là ! du Conseil constitutionnel. Comme tu le sais, il est présidé par Roland Dumas, qui n'aime que les jeunes. Oh oui ! tu es jeune encore, c'est certain, mais il y a des candidats qui auraient l'outrecuidance d'être encore plus jeunes que toi. Ne dis pas que c'est insurmontable, je dis seulement que ce sera difficile. Enfin, je vais essayer et je te tiendrai au courant. Je dois à la vérité te dire que j’y avais déjà pensé et que souvent, j'en avais parlé avec Bernadette et Claude. Si je ne te l’avais pas demandé, c'est uniquement parce que Claude m'avait dit que cela allait te gêner. Connaissant ta modestie, je me suis donc abstenu de t'en toucher le moindre mot. Tu vois, j'ai sans doute eu tort mais c'était une question de pudeur.

Ma petite Line, tu sais comme je suis sincèrement touché par les sentiments que tu me portes. Ils sont tout à ton honneur. Mais tu devrais faire un peu plus attention lorsque tu m écris pour me parler de tes souvenirs avec moi. Je ne suis plus seul. Je suis président de la République et je n'ai confiance en personne. Je suis obligé d'être sur mes gardes. Je n'ai notamment pas le moindre ambassadeur en qui je puisse avoir suffisamment confiance pour lui confier ton courrier personnel. Je sais, c'est dur, c'est affreusement triste, mais c'est ainsi. Le devoir d'Etat implique aussi de savoir endurer ses souffrances personnelles. Alors j'ai une idée. Durant mon septennat, je me demande s'il ne serait pas plus commode pour toi d'entretenir une correspondance avec Alain Juppé. Je sais qu'il nourrit une véritable passion pour toi. Tu es tout à tait son style d'intelligence et de caractère. D'ailleurs moi-même, quand je le vois, je ne peux m'empêcher de penser à toi. On dirait un frère et une sœur ; vous auriez même pu être jumeaux. Si, si, je te l'assure, je n'exagère pas. D'ailleurs, tu me connais, je n'exagère jamais. Je suis plutôt du style modéré. Je vais donc lui en parler, si tu me le permets. Vous pourriez correspondre utilement ; tu lui donnerais tes idées sur la France et sur le monde, il te recevrait aussi souvent que tu le voudrais. Vous dîneriez et déjeuneriez ensemble aussi souvent que vous le souhaitez. Rassure-toi, je le connais... La transparence faite homme. Il me rendra compte de tout. Me répétera l'intégralité de vos conversations. Ainsi je pourrai, à distance, rester en contact avec toi. Notre amitié restera la même. Et puis, si tu le souhaites, tous les deux ou trois ans, nous pourrions nous voir. Je pense même pouvoir venir à Rueil pour prendre l'apéritif. Que penses-tu de cette idée ? Je suis certain que tu la trouves absolument formidable. Vois-tu, ma petite Line, nous deux, qui avons vécu, qui connaissons la vie, nous savons mieux que d'autres que l'amitié est un bien précieux qu'il convient de savoir protéger et entretenir. Tu es mon amie, Je suis ton ami. Nous sommes amis. C'est cela qui compte et qui permettra que dans sept ans, à la fin de mon septennat, Je serai si heureux de te revoir et de profiter enfin de toi,

Ton grand Jacques

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